Je suis tagué par Rosa
Elle qui me demande comment on voit 2030. Je ne voulais pas répondre, mais
je vois que certains de mes confrères l’ont fait, comme Sarkofrance.
J’aurai 64 ans et serai probablement à la retraite.
Attention, je ne suis pas optimiste sur notre système de
retraite ! Je fais juste un job où l’on finit par être has been. Il est
illusoire de penser qu’un patron me garde jusqu’à un âge avancé. Etant
propriétaire de mon appartement, il est possible que je mette suffisamment de
sous de côté pour me permettre de passer quelques années à glander avant de
bénéficier de la retraite.
Décrire 2030 nécessite de prévoir ce qui pourrait se passer
d’ici et l’exercice est impossible. J’espère que la gauche pourra appliquer son
programme économique et social tel que je le conçois mais ça nécessite qu’elle
conserve le pouvoir ce qu’elle n’a jamais su faire plus de cinq ans
consécutivement. Il faut donc qu’elle soit extrêmement prudente sur toutes les
questions de société.
Je vais donner deux exemples, quitte à me fâcher.
Le premier : en juillet dernier, pendant la primaire
des socialos, Martine Aubry avait annoncé une augmentation de 30 à 50% du
budget de la culture. C’est une erreur stratégique immense. Comment voulez-vous
qu’un retraité qui touche 900 euros par mois puisse voter pour un Parti
Politique qui promet d’augmenter massivement les revenus pour des pseudos
artistes (parce que dans l’imaginaire des gens – et peut-être même dans la
vraie vie – c’est bien ce dont il s’agit). Je n’ai rien contre le budget de la
culture mais encore faut-il avoir le pouvoir pour avoir la capacité de le
gérer.
Le deuxième : en mai dernier, François Hollande a gagné
la Présidentielle. Les sondages lui promettaient entre 54 et 56%, haut la main,
tant les gens étaient déçus par Nicolas Sarkozy. Il a fait moins de 52%. Cette
baisse finale est due essentiellement au durcissement des positions de la
droite dont les ténors ont pu pointer du doigt un des « engagements »
pour faire peur aux gens : le droit de vote des étrangers. Je ne veux pas
juger de l’intérêt de cette mesure (je suis contre : je considère qu’un
type qui vit en France devrait être Français et pas étranger…) mais c’est ce
genre de point qui peut faire perdre une élection.
Ne me parlez pas de courage politique. C’est facile d’avoir
du courage quand on veut rester dans l’opposition. Ne me répondez pas, non
plus, avec Mitterrand : si la peine de mort avait été au cœur de la
campagne de 81, il n’aurait pas été élu…
Supposons donc que la gauche saura garder le pouvoir et poursuivons
notre chemin vers 2030…
Je ne sais pas si vous avez remarqué, nous sommes en pleine
crise économique. La situation est désespérée, n’allez pas croire ! L’Europe
va se casser la gueule et ça va être un vrai bordel. J’espère qu’on saura
amortir les coups. La crise va s’amplifier mais on saura bien en sortir parce c’est
l’intérêt de tout le monde, les riches, les pauvres, … Nous pouvons donc être
optimistes. On va même être encore plus optimistes, on va dire qu’au niveau de
l’Europe, on saura se mettre des gardes fous pour éviter que ça recommence et
pour privilégier notre industrie et tout ça.
Donc soyons zen…
La difficulté, ensuite, sera de faire entrer dans le crâne
de tout le monde que notre société change progressivement depuis la nuit des
temps et qu’il faut que notre modèle économique s’adapte. La fuite en avant
continue depuis toujours doit s’arrêter d’autant qu’elle est dopée par un
libéralisme que je qualifierais volontiers d’à la con parce qu’il se double d’un
interventionnisme d’état qui ne me gène que parce que ça empêche de se foutre
de la gueule des libéraux qui se revendiquent comme tels. Relisez cette phrase
trois fois, il est hors de question que je la réécrive.
Moi y en a expliquer le changement progressif : nous y
en avons besoin de moins travailler pour produire plus.
Après la guerre, les gugusses commençaient à bosser à 14 ans
et arrêtaient à 75 ans quand ils n’avaient pas la chance de mourir avant ou d’avoir
une retraite correcte à un âge raisonnable. C’est terminé : ces feignasses
de jeunes se pointent sur le marché de l’emploi à 25 ans et les vieux se la
coulent douce dès le début de la soixantaine pour mourir dans la sénilité après
85 ans, tout en maintenant quatre millions de lascars au chômage. On nous dit
qu’il faut travailler plus. Soit. Mais pour faire quoi ? Personne ne nous
le dit. Il faut travailler plus pour produire plus et gagner plus et faire l’économie.
C’est à peu près le slogan de la droite. Ils ne disent pas quoi produire plus.
A part du pognon dans l’économie. Il faut travailler plus pour faire marcher l’économie.
C’est une connerie monstre. On ne travaille plus pour gagner
de l’oseille et produire des biens ou services susceptibles d’être utiles mais
pour faire marcher l’économie. Une hérésie.
Je résume le changement de société : le progrès,
notamment technologique, permet de produire plus rapidement ce dont on a besoin
pour vivre, donc en travaillant moins. A l’heure de la généralisation des
caisses automatiques dans les supermarchés, je ne vais pas multiplier les
exemples : pour faire nos courses, nous n’avons plus besoin de caissières.
Pour réserver un billet de train, nous n’avons plus besoin de guichetier de la
SNCF mais d’un ordinateur pour la commande et d’une borne pour le retirer (si
un billet électronique n’est pas disponible).
Cette évolution n’est pas récente. Quand j’étais tout petit,
il y avait un moulin à café à la maison. Il fallait tourner une manivelle pour
moudre le café. C’était l’enfer. Après, on a acheté un moulin électrique. C’était
plus pratique mais bruyant. Ensuite, on a acheté du café moulu. Maintenant, on
a des capsules qu’on met dans une machine et le café se fait encore plus
facilement.
La société est à l’image du café.
On peut multiplier les exemples même si j’avais juré ne pas
le faire. Avant, quand on avait une voiture, on passait notre temps sous le
capot pour la réparé. Progressivement, la mécanique s’est améliorée. On a
commencé à ne faire des vidanges que les 10 000 km, puis les 20 000 et
on est arrivée à 30 000. Non seulement, le progrès fait en sorte qu’il
faut moins de temps pour faire une voiture, mais il faut aussi moins de temps
pour l’entretenir…
Pendant ce temps, on a la droite la plus bête du monde qui
nous dit qu’il faut travailler plus. Ses représentants le criaient encore à l’Assemblée
hier soir : il faut encourager (par la défiscalisation des heures
supplémentaires) les gens qui veulent travailler. Avec les mesures annoncées
par Peugeot (tiens, mon exemple ci-dessus n’était pas très bien choisies), on
nous dit qu’il faut diminuer le coût du travail. Dans les commentaires du
dernier billet de Sarkofrance, un zozo de droite (« coin le canard »)
nous sort sa soupe habituelle sur le marché du travail, les 35 heures, …
Cet imbécile pratique la fuite en avant.
Il faudra bien reconnaître qu’il faut moins de travail qu’avant.
On aura moins besoin de travailler ce qui me parait d’ailleurs, on aura plus de
temps pour faire les cons dans les blogs et aller au bistro.
J’en connais qui vont m’objecter que si on travaille moins,
on n’aura plus de sous pour aller au bistro ou pour se payer un abonnement
Internet pour faire les cons dans les blogs.
Je m’en fous. Ce sont les mêmes qui nous amènent dans le mur
depuis des années.
Avec cette histoire de Peugeot, on nous dit que le coût du
travail est trop élevé (ce qui est probablement vrai par rapport à d’autres
pays). Pourtant, comme il faut moins de temps de travail pour faire une
voiture, le coût du travail a probablement proportionnellement diminué. De quoi
est composé ce coût du travail ? Essentiellement d’un salaire net qui sera
versé à l’employé, de cotisations qui servent à payer des retraites, de
cotisations qui servent à payer des indemnités à des chômeurs (et des
cotisations qui servent à payer différents machins, notamment la santé).
De quoi sont composées les charges de Peugeot ?
Principalement, des charges salariales ci-dessous et de frais de sous-traitance
(le sous-traitant lui-même consacrant lui-même ses propres charges à des
charges salariales et à des frais de sous-traitance).
Ainsi, nous avons des entreprises qui vendent des machins et
gagnent de l’argent qu’elles redistribuent à des lascars qui travaillent mais
aussi à des lascars qui ne travaillent pas (les chômeurs, les retraités).
C’est ainsi : les entreprises vendent et redistribuent
le pognon. Il faudra bien qu’on finisse par admettre que le travail n’est qu’annexe,
dans cette histoire, et que les entreprises peuvent vendre plus, ce qu’elles
font depuis des décennies, avec de moins en moins de travail.
J’espère que, en 2030, on aura compris l’équation et
qu’on aura arrêté cette course au travail qui ne fonctionne plus.
J’espère aussi qu’on l’aura résolue mais c’est plus
compliqué.
Le hasard m'a fait rencontrer des personnes qui ont choisi de vivre en yourte, en pleine nature, pour des raisons très diverses.Un nouveau monde s'est ouvert à moi. J'ai compris qu'il nous faut "produire", mais pas n'importenawak, juste l'essentiel : des trains, des voies de chemin de fer, des avions, des autobus, un peu de bagnoles, des matériaux de construction en faisant gaffe aux normes environnementales, des médicaments ...etc.Ces productions doivent être réduites à l'essentiel, pour pouvoir bénéficier à tout le monde.L'essentiel : il y a un tas de choses dont on n'a pas besoin : les capsules de café l'illustrent très bien : on n'a pas besoin de se shooter tous les jours et plusieurs fois par jour avec un café aussi fort qui cause de l'hypertension et ruine les reins et le coeur. On n'est pas des TGV : la pratique de la montagne apprend à accepter d'être lent. Ceux qui font les TGV, au bout d'un moment, ils sont bien obligés d'arrêter, moi je cavale toujours. Il y a une réflexion à mener.La société de cons,papapon, de cons, papapon, de consommation, de toute puissance ...c'est vrai, on n'aura pas d'autre choix que de lui tourner le dos. Nous ne le verrons sans doute pas, mais nos enfants oui. Enfin, je l'espère.
RépondreSupprimerTu vois le problème à l'envers. La question n'est pas de savoir ce dont on a besoin, mais ce que l'on doit mette en œuvre pour y répondre. Le café en capsule est un progrès : c'est meilleur et moins cher que le café des machines au bureau.
SupprimerBah, comme tu dis ...
RépondreSupprimerExcellent billet. Je n'en irai pas plus afin d'éviter de froisser votre modestie.
RépondreSupprimerMerci. Espèce de gauchiste.
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