lundi 10 septembre 2012

Le pilier de comptoir est aussi un meuble qu’on n’oublie pas

Ce matin, je parlais de tous ces gens avec qui j’ai été très lié mais dont j’ai perdu la trace suite aux aléas de leur vie. Solveig me répond : « à ta place, j'aurais le cœur brisé ». Du coup, je me suis demandé s’il n’y avait des gens qui pourraient se poser la question à mon sujet, se dire « Ah ! Mais on n’a plus de nouvelle de Nicolas, c’est étonnant ! Qu’est-il devenu ? »

Du coup, j’ai fait un tour dans mon passé, dans ces bistros que je fréquentais au quotidien pendant de longues périodes.

De 1996 à 2003, je déjeunais presque toujours au bar tabac Le Washington, rue Washington. J’aimais bien les patrons, des vieux auvergnats mais c’est surtout avec les deux loufiats que j’avais sympathisé. C’était un comptoir où on rigolait beaucoup !

Progressivement, comme je passais devant pour aller au métro, j’avais pris l’habitude d’aller y boire un coup, après le boulot. C’était d’ailleurs à la même époque que j’ai commencé à aller à la Comète…

J’étais assez copain avec un des loufiats (on se retrouvait parfois dans un autre bistro, un peu plus loin) et j’aimais bien l’autre. Je pense souvent à eux parce qu’on rigolait bien. En rédigeant ce billet, je me rappelle aussi de la vendeuse de tabac et de la serveuse mais je les avais oubliées.

Quand les patrons sont partis à la retraite, vers 2001, ils ont été remplacés par un couple de jeunes avec trois mômes qui étaient toujours fourrés au comptoir, le soir. Il m’arrivait même d’aider les aînés à faire leurs devoirs. Ils m’aimaient bien et je le leur rendais bien. Mais j’étais là « avant eux », les loufiats n’avaient pas changé. Je n’avais pas creusé mon trou progressivement, un peu par hasard, comme avec les anciens.

Fin 2003, j’ai arrêté de bosser là. Je m’étais juré de repasser à l’occasion mais je n’ai pas eu l’occasion avant plusieurs années, les patrons avaient changé.

De 1993 à 1996, je bossais à Plaisir et je déjeunais toujours dans une brasserie (le bar des Gâtines, si ma mémoire est bonne). J’étais presque intégré à la famille. Je passais aussi tous les soirs (sans picoler, j’avais la voiture, juste pour attendre une heure où j’aurais eu moins de bouchons pour faire les 40 km jusqu’à la maison. Les patrons étaient des Côtes d’Armor, d’un patelin entre Loudéac et Saint-Brieuc, et m’avaient à la bonne, de même que le serveur. La patronne me servait comme si j’étais son môme…

Je suis parti un peu brutalement du fait d’un changement de mission. Je suis revenu plusieurs fois après, les samedis matins mais mes visites se sont espacées. Quel intérêt de faire deux fois 40 km pour boire un café ?

Dans aucun des deux, je n’ai réellement sympathisé avec les clients. Bonjour, bonsoir, le temps se couvre et c’est tout. Ce n’était pas le but. Je venais là soit pour déjeuner, soit pour boire un coup avant de rentrer chez moi.

Parmi ces bistros qui forment mon passé, il faut bien entendu ajouter La Comète que j’ai fréquentée assidument de fin 1996 à fin 2007. La Comète existe toujours, bien sûr et j’y vais plus souvent qu’avant… Mais elle n’appartient plus au passé !

En rédigeant ce billet, je cherchais ce qui avait changé outre une raréfaction de la clientèle du comptoir, le soir, et j’ai trouvé, bêtement : quand les patrons nouveaux patrons (trois « paires » en bientôt cinq ans), j’étais déjà dans les meubles. Ca ne change pas grand-chose sauf que je n’ai pas eu cette phase de découverte où l’on s’installe progressivement. En gros, comme les autres meubles, ils m’ont acheté avec le fond de commerce. Un peu comme les nouveaux patrons du Washington.

J’ai totalement perdu contact avec les patrons du Washington et du bar des Gâtines. Je reste toujours en contact – trop – épisodique avec les anciens patrons et certains anciens employés de la Comète.

Je ne pense pas que les anciens patrons du Washington se rappellent de moi. Je suis à peu près sûr, par contre, que la patronne des Gâtines se rappelle du type qui bouffait tout le temps au comptoir, souvent avec un collègue à lui, Michel. Le patron devait s'en foutre un peu... Je suis sûr, aussi, que les deux loufiats du Washington ne m’ont pas oublié.

C’est étrange.

7 commentaires:

  1. Quoiqu'on en dise, c'est du tissu social qui se défait (à preuve ton précédent billet sur le sujet au mois de Juillet). De plus, ça pose bien d'autres questions qui mériteront aussi des billets.

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  2. Le formatage des esprits par la TV, la pub ... etc ... qui imposent un certain ordre moral véhiculé ensuite par les gens eux-mêmes, assez vindicatifs à l'égard des réfractaires, il y a des lieux, des activités, des conduites, qui s'imposent comme des espaces de survie : une sorte de refuge pour qui refuse l'enfermement, l’étouffement, le conformisme, la mise aux normes.
    Elles sont rigolotes et salvatrices tes histoires de bistro. Change rien.

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  3. Il faut lire "Face au formatage"

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  4. J'eusse fréquenté beaucoup de bistrot.....Le prix des consommations m'en a dissuadé....

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    1. C'est effectivement un problème... J'ai un tas de potes qui ne peuvent pas venir. Quand tu gagnes 1000 euros par mois, dépenser 10 euros par jour dans un bistro n'est pas possible.

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