mercredi 18 juillet 2012

Vivement 2030 !

Je suis tagué par Rosa Elle qui me demande comment on voit 2030. Je ne voulais pas répondre, mais je vois que certains de mes confrères l’ont fait, comme Sarkofrance. J’aurai 64 ans et serai probablement à la retraite.

Attention, je ne suis pas optimiste sur notre système de retraite ! Je fais juste un job où l’on finit par être has been. Il est illusoire de penser qu’un patron me garde jusqu’à un âge avancé. Etant propriétaire de mon appartement, il est possible que je mette suffisamment de sous de côté pour me permettre de passer quelques années à glander avant de bénéficier de la retraite.

Décrire 2030 nécessite de prévoir ce qui pourrait se passer d’ici et l’exercice est impossible. J’espère que la gauche pourra appliquer son programme économique et social tel que je le conçois mais ça nécessite qu’elle conserve le pouvoir ce qu’elle n’a jamais su faire plus de cinq ans consécutivement. Il faut donc qu’elle soit extrêmement prudente sur toutes les questions de société.

Je vais donner deux exemples, quitte à me fâcher.

Le premier : en juillet dernier, pendant la primaire des socialos, Martine Aubry avait annoncé une augmentation de 30 à 50% du budget de la culture. C’est une erreur stratégique immense. Comment voulez-vous qu’un retraité qui touche 900 euros par mois puisse voter pour un Parti Politique qui promet d’augmenter massivement les revenus pour des pseudos artistes (parce que dans l’imaginaire des gens – et peut-être même dans la vraie vie – c’est bien ce dont il s’agit). Je n’ai rien contre le budget de la culture mais encore faut-il avoir le pouvoir pour avoir la capacité de le gérer.

Le deuxième : en mai dernier, François Hollande a gagné la Présidentielle. Les sondages lui promettaient entre 54 et 56%, haut la main, tant les gens étaient déçus par Nicolas Sarkozy. Il a fait moins de 52%. Cette baisse finale est due essentiellement au durcissement des positions de la droite dont les ténors ont pu pointer du doigt un des « engagements » pour faire peur aux gens : le droit de vote des étrangers. Je ne veux pas juger de l’intérêt de cette mesure (je suis contre : je considère qu’un type qui vit en France devrait être Français et pas étranger…) mais c’est ce genre de point qui peut faire perdre une élection.

Ne me parlez pas de courage politique. C’est facile d’avoir du courage quand on veut rester dans l’opposition. Ne me répondez pas, non plus, avec Mitterrand : si la peine de mort avait été au cœur de la campagne de 81, il n’aurait pas été élu…

Supposons donc que la gauche saura garder le pouvoir et poursuivons notre chemin vers 2030…

Je ne sais pas si vous avez remarqué, nous sommes en pleine crise économique. La situation est désespérée, n’allez pas croire ! L’Europe va se casser la gueule et ça va être un vrai bordel. J’espère qu’on saura amortir les coups. La crise va s’amplifier mais on saura bien en sortir parce c’est l’intérêt de tout le monde, les riches, les pauvres, … Nous pouvons donc être optimistes. On va même être encore plus optimistes, on va dire qu’au niveau de l’Europe, on saura se mettre des gardes fous pour éviter que ça recommence et pour privilégier notre industrie et tout ça.

Donc soyons zen…

La difficulté, ensuite, sera de faire entrer dans le crâne de tout le monde que notre société change progressivement depuis la nuit des temps et qu’il faut que notre modèle économique s’adapte. La fuite en avant continue depuis toujours doit s’arrêter d’autant qu’elle est dopée par un libéralisme que je qualifierais volontiers d’à la con parce qu’il se double d’un interventionnisme d’état qui ne me gène que parce que ça empêche de se foutre de la gueule des libéraux qui se revendiquent comme tels. Relisez cette phrase trois fois, il est hors de question que je la réécrive.

Moi y en a expliquer le changement progressif : nous y en avons besoin de moins travailler pour produire plus.

Après la guerre, les gugusses commençaient à bosser à 14 ans et arrêtaient à 75 ans quand ils n’avaient pas la chance de mourir avant ou d’avoir une retraite correcte à un âge raisonnable. C’est terminé : ces feignasses de jeunes se pointent sur le marché de l’emploi à 25 ans et les vieux se la coulent douce dès le début de la soixantaine pour mourir dans la sénilité après 85 ans, tout en maintenant quatre millions de lascars au chômage. On nous dit qu’il faut travailler plus. Soit. Mais pour faire quoi ? Personne ne nous le dit. Il faut travailler plus pour produire plus et gagner plus et faire l’économie. C’est à peu près le slogan de la droite. Ils ne disent pas quoi produire plus. A part du pognon dans l’économie. Il faut travailler plus pour faire marcher l’économie.

C’est une connerie monstre. On ne travaille plus pour gagner de l’oseille et produire des biens ou services susceptibles d’être utiles mais pour faire marcher l’économie. Une hérésie.

Je résume le changement de société : le progrès, notamment technologique, permet de produire plus rapidement ce dont on a besoin pour vivre, donc en travaillant moins. A l’heure de la généralisation des caisses automatiques dans les supermarchés, je ne vais pas multiplier les exemples : pour faire nos courses, nous n’avons plus besoin de caissières. Pour réserver un billet de train, nous n’avons plus besoin de guichetier de la SNCF mais d’un ordinateur pour la commande et d’une borne pour le retirer (si un billet électronique n’est pas disponible).

Cette évolution n’est pas récente. Quand j’étais tout petit, il y avait un moulin à café à la maison. Il fallait tourner une manivelle pour moudre le café. C’était l’enfer. Après, on a acheté un moulin électrique. C’était plus pratique mais bruyant. Ensuite, on a acheté du café moulu. Maintenant, on a des capsules qu’on met dans une machine et le café se fait encore plus facilement.

La société est à l’image du café.

On peut multiplier les exemples même si j’avais juré ne pas le faire. Avant, quand on avait une voiture, on passait notre temps sous le capot pour la réparé. Progressivement, la mécanique s’est améliorée. On a commencé à ne faire des vidanges que les 10 000 km, puis les 20 000 et on est arrivée à 30 000. Non seulement, le progrès fait en sorte qu’il faut moins de temps pour faire une voiture, mais il faut aussi moins de temps pour l’entretenir…

Pendant ce temps, on a la droite la plus bête du monde qui nous dit qu’il faut travailler plus. Ses représentants le criaient encore à l’Assemblée hier soir : il faut encourager (par la défiscalisation des heures supplémentaires) les gens qui veulent travailler. Avec les mesures annoncées par Peugeot (tiens, mon exemple ci-dessus n’était pas très bien choisies), on nous dit qu’il faut diminuer le coût du travail. Dans les commentaires du dernier billet de Sarkofrance, un zozo de droite (« coin le canard ») nous sort sa soupe habituelle sur le marché du travail, les 35 heures, …

Cet imbécile pratique la fuite en avant.

Il faudra bien reconnaître qu’il faut moins de travail qu’avant. On aura moins besoin de travailler ce qui me parait d’ailleurs, on aura plus de temps pour faire les cons dans les blogs et aller au bistro.

J’en connais qui vont m’objecter que si on travaille moins, on n’aura plus de sous pour aller au bistro ou pour se payer un abonnement Internet pour faire les cons dans les blogs.

Je m’en fous. Ce sont les mêmes qui nous amènent dans le mur depuis des années.

Avec cette histoire de Peugeot, on nous dit que le coût du travail est trop élevé (ce qui est probablement vrai par rapport à d’autres pays). Pourtant, comme il faut moins de temps de travail pour faire une voiture, le coût du travail a probablement proportionnellement diminué. De quoi est composé ce coût du travail ? Essentiellement d’un salaire net qui sera versé à l’employé, de cotisations qui servent à payer des retraites, de cotisations qui servent à payer des indemnités à des chômeurs (et des cotisations qui servent à payer différents machins, notamment la santé).

De quoi sont composées les charges de Peugeot ? Principalement, des charges salariales ci-dessous et de frais de sous-traitance (le sous-traitant lui-même consacrant lui-même ses propres charges à des charges salariales et à des frais de sous-traitance).

Ainsi, nous avons des entreprises qui vendent des machins et gagnent de l’argent qu’elles redistribuent à des lascars qui travaillent mais aussi à des lascars qui ne travaillent pas (les chômeurs, les retraités).

C’est ainsi : les entreprises vendent et redistribuent le pognon. Il faudra bien qu’on finisse par admettre que le travail n’est qu’annexe, dans cette histoire, et que les entreprises peuvent vendre plus, ce qu’elles font depuis des décennies, avec de moins en moins de travail.

J’espère que, en 2030, on aura compris l’équation et qu’on aura arrêté cette course au travail qui ne fonctionne plus.

J’espère aussi qu’on l’aura résolue mais c’est plus compliqué.

5 commentaires:

  1. Le hasard m'a fait rencontrer des personnes qui ont choisi de vivre en yourte, en pleine nature, pour des raisons très diverses.Un nouveau monde s'est ouvert à moi. J'ai compris qu'il nous faut "produire", mais pas n'importenawak, juste l'essentiel : des trains, des voies de chemin de fer, des avions, des autobus, un peu de bagnoles, des matériaux de construction en faisant gaffe aux normes environnementales, des médicaments ...etc.Ces productions doivent être réduites à l'essentiel, pour pouvoir bénéficier à tout le monde.L'essentiel : il y a un tas de choses dont on n'a pas besoin : les capsules de café l'illustrent très bien : on n'a pas besoin de se shooter tous les jours et plusieurs fois par jour avec un café aussi fort qui cause de l'hypertension et ruine les reins et le coeur. On n'est pas des TGV : la pratique de la montagne apprend à accepter d'être lent. Ceux qui font les TGV, au bout d'un moment, ils sont bien obligés d'arrêter, moi je cavale toujours. Il y a une réflexion à mener.La société de cons,papapon, de cons, papapon, de consommation, de toute puissance ...c'est vrai, on n'aura pas d'autre choix que de lui tourner le dos. Nous ne le verrons sans doute pas, mais nos enfants oui. Enfin, je l'espère.

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    1. Tu vois le problème à l'envers. La question n'est pas de savoir ce dont on a besoin, mais ce que l'on doit mette en œuvre pour y répondre. Le café en capsule est un progrès : c'est meilleur et moins cher que le café des machines au bureau.

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  2. Bah, comme tu dis ...

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  3. Excellent billet. Je n'en irai pas plus afin d'éviter de froisser votre modestie.

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